"George, accélérez je vous en prie ! Nous sommes encore loin et la nuit commence à tomber", s'impatienta Jackie. "C'est encore votre peur du noir qui vous tourmente, ma chère Jackie. Cette nouvelle Peugeot 54 ne vaut pas nos bonnes vielles anglaises. Le ministère ne nous a pas gâté cette fois..."
La route sinueuse qui menait à Rotorua semblait interminable. Après 60 jours de bateau depuis le Royaume d’Angleterre, la mission confiée aux deux scientifiques par la couronne s'annonçait éreintante. L'analyse des sources volcaniques de la région demanderait un temps fou, d'autant que l'objectif officieux de confirmer la présence d'une eau thermale miraculeuse serait délicat...
La silhouette de l'hôtel Royal se détacha enfin dans la pénombre. Mais ce qui frappa en premier lieu les visiteurs, fut l'odeur nauséabonde caractéristique d'une forte activité géothermique. En camouflant son nez sous un mouchoir brodé, Jacky s'écria, "J'avais sous-estimé le flux odorant. Les sources doivent êtres encore plus nombreuses que d'après mon étude préliminaire. Quelle odeur affreuse !". "Décidément chère Jackie, vous avez toujours un pet de travers !".
Le valet s'empressa de monter leurs bagages dans leurs chambres, ne manquant pas au passage de briser quelques unes des fioles d'analyses chimiques. "On nous simplifie déjà le travail", s'exclama George, amusé.
Le lendemain, après un copieux petit déjeuner, une promenade de reconnaissance sur la colline dominant le village et le lac leur permit d'évaluer le nombre de sources géothermiques. Selon le vieil adage, il n'y a pas de fumerolle sans source !
Plus tard dans la journée, leur guide Maori leur fit découvrir les mares de boue bouillonnantes au cœur du village. L'odeur ne semblait pas être un problème pour les habitants, qui se trempaient allègrement dans ces flaques chaudes.
La collecte d'échantillons se poursuivie jusqu'à Wai-o-tapu. Cet ensemble sidérant de couleurs et de parfums putrides était parfait pour leurs travaux. Il établirent sur place un centre de recherches avancé, où ils firent livrer le reste du matériel. La conduite du PET (Programme d'Echantillonnage Thermique) s'annonçait finalement prometteuse.
En plus du geyser Lady Knox qui jaillit à heure fixe tous les jours, ils découvrirent des cratères jaunes de souffre,
la sulfureuse "palette de l'artiste" pleine d'antimoine,
l'oxyde de fer et la silice de la "piscine de champagne",
et le terrifiant lac d'arsenic !
Ils remplirent ainsi des centaines de fioles multicolores, puantes et pétillantes. Cependant, aucune des analyses ne semblait aboutir à la formule de l'eau miraculeuse. Ces éléments ne possédaient aucune vertu soignante, bien au contraire, ils se révélaient parfois dangereux comme en témoignait la barbe cramoisie de George.
Couvert de boue, il s'impatienta, "Ces recherches s'enlisent, nous sommes dans une impasse."
"Je sais bien mon bon ami. Mais nous ne pouvons pas décevoir la reine encore une fois. L'échec cuisant de la recherche du Kiwi volant nous a déjà assez discrédités."
"Que suggérez-vous alors ? Mettre en flacon cette boue puante et inviter nos chics amis Anglais à se badigeonner avec ?!" ironisa George.
Un sourire malicieux illumina le visage de Jackie, "Je crois que nous tenons là notre idée salvatrice, mon cher ami..."
C'est ainsi qu'en octobre 1908, la "Bath House", le centre de soin à la boue miraculeuse ouvrait ses portes à ses premiers patients, rendant riches George et Jackie les scientifiques filous.